Marie de Rabutin-Chantal naquit à Paris le 5 février 1626. Orpheline de bonne heure, elle fut d’abord élevée par son grand-père et sa grand-mère maternels, M. et Mme de Coulanges. Mais ceux-ci moururent bientôt, et l’enfant fut confiée à l’aîné de leurs fils, l’abbé de Coulanges, celui que Mme de Sévigné appelait plus tard le "Bien bon". L’abbé fit donner à sa nièce une excellente instruction : Ménage lui enseigna, avec le latin, l’espagnol et l’italien. En 1644, Marie de Rabutin-Chantal épousa le marquis Henri de Sévigné, parent du cardinal de Retz. Le marquis ruina sa femme, et, pour une querelle de jeu, il se battit en 1651 avec le chevalier d’Albret, qui le tua. De ce mariage étaient nés deux enfants : Françoise-Marguerite et Charles.
Mme de Sévigné se retira pendant trois ans à la campagne, aux Rochers, près de Vitré en Bretagne. Elle remit de l’ordre dans sa fortune, grâce aux conseils du "Bien bon" ; et en 1654, elle revint à Paris, où elle fréquenta l’Hôtel de Rambouillet et s’occupa de l’éducation de ses enfants. Puis elle présenta sa fille à la cour, et la maria en 1669 au comte de Grignan, deux fois veuf, et lieutenant général en Provence. Mme de Grignan dut, en 1671, rejoindre son mari.
Cette séparation fut douloureuse : Mme de Sévigné idolâtrait sa fille. Et nous devons à cette circonstance et à ce sentiment un peu outré, la plus grande et la plus vivante partie des lettres de la marquise. D’ailleurs, elle n’aimait pas moins son fils, Charles de Sévigné, doué d’un cœur plus ouvert et d’un tempérament plus expansif que Mme de Grignan. Charles fut brave soldat, prit part à plusieurs campagnes, et finit par se retirer en Bretagne. Mme de Grignan eut trois enfants : Marie-Blanche, que Mme de Sévigné appelle « ses petites entrailles », et qu’elle garda chez elle, à Paris, pendant trois ans ; on la sacrifia aux intérêts des deux autres enfants, en la mettant, dès l’âge de six ans, au couvent de la Visitation d’Aix, d’où elle ne sortit plus ; Pauline, dont il est si souvent question dans les Lettres, et qui devint Mme de Simiane ; et Louis-Provence, le petit marquis, qui fut bon officier, et à qui sa mère fit épouser, en 1694, la fille d’un fermier général… « Il faut bien fumer ses terres. »
C'est donc pour distraire sa fille, qui s'ennuyait au milieu des fêtes et des tracasseries de la société provençale que Mme de Sévigné entreprend de transposer Paris et Versailles à Aix. Elle lui écrit tous les jours pour la tenir au courant de tout ce qui pouvait l'intéresser ; mais surtout elle lui parlait de ses sentiments : l'amour maternel, avec toutes ses nuances, tantôt exalté, tantôt inquiet, tantôt désolé, tantôt joyeux.
Mais ces lettres constituent également un témoignage de premier ordre sur les temps de Mme de Sévigné, la société et la cour de Louis XIV.
Mme de Sévigné, qui recevait souvent à Paris sa fille et ses petits-enfants, allait aussi les visiter à Grignan. Elle se trouvait dans ce château, en avril 1696, quand elle fut atteinte de la petite vérole, et mourut.
Plusieurs circonstances sont nécessaires pour qu’une correspondance soit pieusement conservée et publiée : il faut que l’auteur ait occupé une place assez importante dans la société de son temps, et que ses lettres puissent servir en quelque sorte à compléter l’histoire et les mémoires ; il faut aussi que l’auteur y ait mêlé des sentiments si vifs et si profonds qu’à l’intérêt du document historique se joigne la valeur du document humain.
Tel est précisément le cas des lettres de Mme de Sévigné, non destinées à « entrer dans la littérature », mais qui, goûtées déjà des contemporains, furent conservées par sa famille, et publiées au XVIIIe siècle.
De 1635 à 1696, ces lettres forment une sorte de gazette, écrite non par un nouvelliste de bas étage qui n’entend qu’un lointain écho des événements et ne peut approcher des grands, mais par une femme de la cour, qui est à la source même des renseignements. C’est au sortir de Versailles, où le roi lui adresse la parole, et des salons où elle rencontre les plus grandes dames du temps, que Madame de Sévigné écrit ses lettres. Sans doute, elle ne nous explique pas les causes des guerres et des traités ; elle ne nous révèle aucun secret sur la politique de Louis XIV. Mais les détails précis qu’elle rapporte sur le procès de Fouquet, le passage du Rhin, le mariage de la Grande Mademoiselle, la mort de Turenne, la disgrâce de Pomponne, la mort de Condé, celle de Louvois, etc., sont un complément de l’histoire. Les costumes, les gestes, les paroles, les anecdotes parfois révélatrices des sentiments les plus sérieux, voilà ce que Mme de Sévigné nous donne, avec une inlassable curiosité et dans un style toujours vivant.